Sur les traces de Manet, embarquant au Havre pour l’Amérique, Jean-Michel Alberola part à la recherche de la “première image”, de l’origine de la peinture, avec les moyens du cinéma qui, lui, connait sa source.

“Je ne sais pas raconter une histoire sans avoir une première image en tête parce qu’il nous faut toujours partir de quelque chose qu’on ne devrait jamais oublier. La peinture n’a plus sa première image et c’est peut-être pour cela qu’elle ne raconte plus d’histoire. La première image de la peinture est trop loin et il nous faudrait aller vers elle pour savoir de quoi on parle ou encore pour être encore plus proche du réel. Je crois que Manet connaissait cette première image parce que du réel, il s’en est bien approché. Même de la fumée d’un cigare. Il faudrait pouvoir l’avoir sans cesse sous nos yeux, ainsi lorsque cela n’irait pas, on pourrait se dire : “Tiens, je vais aller voir la première image, la première peinture”, et l’on saurait mieux d’où l’on viendrait, d’où viendraient nos yeux. Et l’on pourrait repartir. Les seules véritables premières images que l’on a encore sont les photographies d’enfance où il y a de l’amour et de la lumière. Mais je ne sais pas si on sait vraiment les regarder comme des images où il y a justement des moments contenus de l’émotion du monde. De même que je ne suis pas sûr que les images d’atelier soient vraiment vues de cette façon. C’est comme si la peinture, devenue adulte, avait perdu son enfance. Et c’est une chose grave.”

Jean-Michel Alberola
(extraits du texte du film)